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Tendance : Le retour en grâce de la tequila

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Tendance : Le retour en grâce de la tequila
BARNES MAGAZINE : tendance  01

Quand producteurs et stars contribuent à la montée en (très haute) gamme de la tequila

En quelques années, la tequila s’est imposée comme l’un des spiritueux les plus demandés, avec des ventes qui talonnent désormais les très réputés whisky et rhum. Comment expliquer une telle croissance ?
Si la tequila fait incontestablement partie de l’identité mexicaine – et ce depuis son apparition au XVIe siècle –, elle fut pendant très longtemps considérée par les autres pays comme un alcool ordinaire, loin de l’aura d’autres spiritueux comme le whisky, le rhum ou encore la vodka. Deux différences majeures semblent expliquer ce manque de reconnaissance : le goût, plutôt uniforme entre les différentes marques, et l’image, celle des cactus et du désert longtemps véhiculée sur les étiquettes des bouteilles.
Au début des années 2000, les prémisses de ce qui deviendra petit à petit une véritable tendance se font sentir. La tequila monte en gamme, devient premium, voire ultra-premium, sous l’impulsion de producteurs mexicains et, plus étonnant, de stars. En 2011, c’est le guitariste mythique Carlos Santana qui ouvre le bal de cette collaboration surprenante, en parrainant la marque Casa Noble, bien connue des aficionados du breuvage. Un formidable coup de projecteur sur le produit, lui apportant d’emblée des lettres de noblesse et une certaine crédibilité auprès d’un public jusque-là peu, voire pas du tout, intéressé par la tequila. Avec des bouteilles vendues entre 70 et un peu plus de
100 francs, c’est à un nouveau marché que l’on s’intéresse, celui des profits aisés. Une petite révolution pour cet alcool historiquement peu cher. Une révolution qui va rapidement faire des émules, entraînant dans son sillage d’autres figures mondialement connues sur ce marché porteur.

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©Teremana Tequila

En 2015, George Clooney lance Casamigos, expliquant vouloir « créer la tequila et le mezcal [eau-de-vie fabriquée à partir de l’agave] les plus savoureux et les plus doux, qui n’avaient pas besoin d’être recouverts de sel ou de citron vert. C’est ce que nous avons fait. » L’aventure fut donc lancée, avec un succès dépassant certainement ce qu’avait pu imaginer l’acteur. En sélectionnant les meilleurs « Blue Weber Agave » – cette variété d’agave utilisée dans la production de tequila –, puis en les torréfiant dans des fours traditionnels en briques avant une distillation lente et minutieuse, pour terminer par six à seize jours de fermentation selon les recettes, la tequila de l’acteur est, de l’avis des experts, excellente. Vendue en 2017 près de 850 millions d’euros à Diageo – plus gros acteur au monde de la vente de spiritueux –, Casamigos a franchi un pas de plus dans son capital attractivité, devenant l’une des références du marché de la tequila premium. Autre acteur, même succès, celui de Dwayne Johnson surnommé « The Rock » et de sa marque ultra-premium Teremana Tequila fondée en 2020 et qui a passé cette année la barre du million de caisses écoulées (source : Forbes), s’imposant ainsi parmi la petite dizaine – seulement – de marques de tequila pouvant prétendre à de tels chiffres.
Citons encore l’ancien basketteur Michael Jordan qui lance Cincoro en 2019, avec des prix allant de
70 dollars… à 1’500 dollars pour leur bouteille « Extra Añejo ». La star de téléréalité Kendall Jenner – issue de la famille Kardashian bien connue pour son sens du business – a désormais elle aussi sa marque de tequila en 2021, sobrement nommée 818 Tequila, qui remporte un franc succès et a même été certifiée B-Corp en début d’année.

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L'excellence du goût avant tout

Mais le côté « premium », pour réellement s’imposer de manière pérenne, ne peut reposer uniquement sur du marketing, aussi bien rodé soit-il. Il s’agit aussi, et surtout, de monter en gamme en termes de goût. L’excellence des saveurs, pour justifier celle du positionnement en somme.
Comme pour le vin, la tequila commence à revendiquer fièrement ses années de baril, la maturation de l’agave, la provenance des fûts – plus uniquement mexicains, mais également français ou américains – ou encore l’altitude à laquelle elle est produite. Un ensemble de critères qui confèrent au produit son degré d’excellence et donc son prix. Et qui attire toujours plus de curieux et de fidèles. En dix ans, la tequila a connu une croissance folle.
Les derniers chiffres parus sur le marché le prouvent : si, au niveau international, le nectar mexicain ne représentait que 2,5 % du volume des spiritueux en 2021, sa part est estimée à 7 % d’ici à 2026 (source : IWSR). Toujours selon le même bureau d’étude, cette hausse est encore plus tangible sur le marché américain, importateur principal de tequila, avec +9 % estimé à la même échéance.
En Suisse aussi la tendance est tangible, comme l’explique le responsable de Bacchus Spirit, segment du Caveau de Bacchus dédié aux spiritueux : « Cela fait deux trois ans que nous constatons un véritable boom autour de la tequila, avec des acheteurs de tout âge, toute génération. Expliquer cela uniquement par un effet de mode serait limitant. Pour moi, c’est l’usage plus exclusif qui est fait désormais du produit – notamment car les prix sont plus élevés – qui participe à son attractivité grandissante. Cela se manifeste chez nous de manière concrète et sans appel : la marque que nous vendons le plus est Barajas [ndlr : vendue 325 francs la bouteille], que nous sommes les seuls à distribuer en Suisse. »
Un phénomène de rareté, qui ajoute encore un peu d’aura au breuvage.

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Bon, cher… et beau, le breuvage attire désormais aussi les marques de luxe

Dernier maillon derrière l’engouement du breuvage : la beauté du packaging. « Avant, les bouteilles de tequila étaient surtout connues pour leurs étiquettes hautes en couleur reprenant tous les codes de l’identité mexicaine : cactus, sombrero, champs d’agave, soleil couchant. Le ton était donné. Avec la premiumisation du produit, l’image directement véhiculée par la bouteille elle-même change. Là où certains réinventent les codes historiques – comme Casamigos de George Clooney par exemple et son logo bleu symbolisant la culture de l’agave bleue –, d’autres en font de véritables objets de désir, qui existent parfois depuis longtemps mais connaissent aujourd’hui seulement une notoriété sans précédent.
Il en va ainsi de la marque Clase Azul, née il y a vingt-cinq ans et reconnaissable entre mille par sa carafe emblématique, une création unique au monde fabriquée par des artisans mexicains. Pendant longtemps, ces bouteilles ne s’écoulaient qu’en très petite quantité, avec une production menacée par des catastrophes naturelles et des crises financières. En 2007, porté par la vague d’attractivité de la tequila, Clase Azul fonde «Tradición Mazahua », un atelier de céramique dans lequel les artisans de la société se consacrent à la création des carafes, hommages à la culture mexicaine. La production s’agrandit, s’exporte et, de simple breuvage, le produit devient un véritable objet de design, se vendant d’une centaine de francs à près de 1’000 francs pour le coffret exclusif. Même chose chez Barajas, où les écrins magnifiquement réalisés à la main apportent au produit une touche « couture » justifiant aussi bien son prix que positionnant son histoire, tout en véhiculant l’idée que dans un tel écrin le produit est forcément exceptionnel.
Étape ultime – s’il en faut encore une – dans la crédibilité du produit, l’intérêt d’acteurs du luxe dans la cocréation de marques de tequila. En 2017, LVMH s’allie avec la famille Gallardo avec l’ambition de créer une tequila « à la fois complexe et unique ». Volcan de mi Tierra voit le jour, du nom du volcan de la Tequila situé dans les plaines de Jalisco au Mexique. Comme pour les stars, il est fort à parier que d’autres acteurs du luxe s’engouffrent dans cette brèche très porteuse, qui ne montre pour l’instant aucun signe d’essoufflement.

BARNES Magazine #17