Courtage sans courtier : plus-values éliminées !
Article dans Tout l'Immobilier du 6.07.2020
Internet pullule d’offres plus alléchantes les unes que les autres. La bonne affaire est toujours à un clic de souris ; d’énormes gains et d’affriolantes économies sont possibles sans rien faire, en utilisant telle ou telle plateforme. L’immobilier ne déroge pas à cette tendance.
En Suisse, de nombreux acteurs, qui clament haut et fort leur caractère disruptif, ont envahi la toile. Ils proposent de vendre un bien pour un forfait de quelques milliers de francs, voire même pour quelques centaines de francs pour les plus récents d’entre eux. Dans ce dernier cas, il vaut mieux être attentif aux conditions générales qui stipulent qu’une commission de 2% sur le prix de vente est due, si celle-ci devait se faire. Plus grave encore, l’absence d’un courtier fait perdre de belles plus-values au vendeur.
Selon ces nouveaux acteurs, le numérique permettrait de s’affranchir du rôle essentiel du courtier. Ils essaient de l’éliminer en transformant le propriétaire d’un bien en un pseudo professionnel totalement autonome. Or ce dernier a une autre profession. Vouloir faire de chacun un spécialiste de tout est dans l’air du temps. Mais ce n’est pas parce que l’on a un smartphone que l’on est photographe ! Un outil ne fait pas d’un utilisateur lambda, un professionnel. Ces plateformes Internet, en voulant « disrupter » l’activité de courtier n’ont pas une haute estime du travail de leurs collaborateurs.
« Ces modèles ne servent pas le client. Même si celui-ci est renseigné sur son bien, il ne peut pas avoir le recul nécessaire, les compétences techniques requises et les connaissances du territoire que peut avoir un professionnel de l’immobilier qui a suivi des formations pour acquérir ce savoir. Je ne dis pas qu’un propriétaire n’a pas de légitimité, au contraire, il connait son bien. Mais je pense que l’activité de courtage est plus performante lorsqu’un propriétaire et un courtier travaillent ensemble», précise Jérôme Félicité, président du Groupe Gerofinance-Dunand, des régies de la Couronne et du Rhône ainsi que de BARNES Suisse.
Jusqu’à 45% de plus-values grâce aux courtiers
En effet, avec le conseil d’un professionnel, le vendeur s’assure une réelle plus-value. Cette dernière a d’ailleurs été chiffrée par Statistique Genève en février 2020 dans une étude intitulée Transactions immobilières dans le canton de Genève de 1990 à 2017. Entre 2006 et 2017, la moitié des ventes des maisons individuelles et des appartements en PPE a été effectuée par l’intermédiaire d’un courtier. Le prix au m2 d’un appartement en PPE est en moyenne 18% plus élevé avec l’aide de celui-ci. Cette moyenne s’établit même à 45 % pour une maison individuelle.
Le calcul est rapidement fait. Sur un bien d’un million de francs, la commission d’un courtier peut atteindre 4% de la valeur de celui-ci, soit 40 000 CHF. S’il passe par l’une de ces plateformes, le vendeur devra s’acquitter de 2% soit 20 000 CHF. Il aura peut-être économisé 20 000 CHF, mais il aura perdu une plus-value de 18% pour une PPE soit 180 000 CHF ! Les propriétaires avisés n’ont pas besoin d’un doctorat en mathématiques pour comprendre où réside leur intérêt.
D’autant que les courtiers font aussi une utilisation massive des outils numériques pour attirer les acheteurs. Les mois de confinement l’ont prouvé. Visites 360°, plateformes de vente de biens, réalité virtuelle, direct live, les courtiers les ont mis au cœur de leur dispositif de vente.
« Chaque agence immobilière sait que le numérique est devenu capital pour l’exercice de nos métiers. Nos clients sont habitués à recevoir immédiatement les informations nécessaires ou à pouvoir comparer et juger les objets qui les intéressent. Les sites de vente, les réseaux sociaux sont devenus la norme mais ils ne restent que des outils qui facilitent le travail de courtiers. Il ne faudrait pas mélanger le moyen avec l’acte. S’il suffisait de poster trois photos d’un bien sur un site pour le vendre, les agences auraient disparu depuis longtemps », estime Jérôme Félicité.
D’autant que la vente et l’achat d’une maison ou d’un appartement restent très souvent une affaire d’émotion qui se transmet encore mal par Internet. « Si le numérique revêt une importance systémique dans mes sociétés, je ne crois pas que l’on vende, et a fortiori que l’on achète une maison en un clic comme une paire de chaussures. Cela doit se vivre, se respirer se sentir, car contrairement aux baskets trop petites que l’on renvoie à l’expéditeur, il n’y pas de retour possible avec une maison », conclut Jérôme Félicité.
L’absence de courtier réduit les chances de plus-value pour un vendeur. Il doit garder en tête que le trop bon marché finira toujours par lui coûter cher, très cher.