Les tendances de l’immobilier / marché Suisse
Le marché des UHNWI repart sur l'arc lémanique
Après un net fléchissement de la demande, le marché romand des propriétés de prestige s’est rationalisé. Mieux, il redémarre depuis quelques semaines.
Entretien avec Grégory Marchand, directeur des ventes pour BARNES suisse, qui affiche un optimisme prudent.
Combien de biens de plus de cinq millions avez-vous actuellement en mandat sur l’arc lémanique ?
Actuellement, nous en avons 180. Ces derniers mois, nous avons pu constater une nette augmentation, mais elle est principalement due à notre activité en développement et non à des considérations conjoncturelles. Par contre, le comportement des vendeurs a véritablement changé. Il n’y a plus le souci absolu de faire d’importants gains à la revente dans un court laps de temps. Le marché s’est rationalisé. C’est une excellente chose pour les acheteurs.
Les deux dernières années ont été difficiles mais la reprise est là
Et de plus de 20 millions ?
Nous nous occupons actuellement de 33 biens dépassant ce montant.
Pour les HNWI et UHNWI, quels sont les freins à l’acquisition d’un logement en terres genevoises ou vaudoises ?
Il est essentiel de nuancer l’analyse. Jusqu’à 15 millions, la demande a toujours été forte et c’est encore le cas aujourd’hui.
Au-delà de ce plafond, nous avons constaté un évident ralentissement ces dernières années. Nous ne faisons plus de visites touristiques. Cependant, durant ce dernier semestre, de nombreuses demandes nous sont parvenues pour des biens exceptionnels.
Vous sentez donc un léger frémissement du marché.
Sera-t-il suivi d’un véritable redémarrage ?
Oui, je le crois sincèrement. Les deux dernières années ont été difficiles, mais heureusement ce moment est derrière nous. Les clients actuels sont généralement déjà domiciliés en Suisse, majoritairement belges et français. Ils sont passés par la case location et souhaitent désormais s’installer définitivement dans notre pays. Et la motivation n’est plus uniquement fiscale. Ces acheteurs, plutôt quadragénaires, recherchent la qualité de vie helvétique avec des atouts connus comme la stabilité politique, une éducation performante et une sécurité assurée.
Certains affirment que l’émotion a laissé la place au rendement. Les négociations sont-elles plus compliquées aujourd’hui ?
Le marché suisse est particulièrement régulé. Contrairement à d’autres régions du monde, comme le sud de la France, New-York ou Londres, un bien ne s’achète pas en un claquement de doigts. Certains cantons comme Genève ne permettent pas aux étrangers d’acheter une résidence secondaire.
Cependant, malgré cette restriction législative, l’émotion est omniprésente lors de l’acquisition d’un bien d’exception. Elle est essentielle. Il est vrai aussi que les acheteurs comme les vendeurs savent pertinemment que le marché est à des niveaux raisonnables. Il est redevenu juste. On négocie moins et on recherche surtout l’objet de ses rêves. Jusqu’à 10 millions, ce sont les services proposés qui sont déterminants, les acheteurs optent plutôt pour des appartements ultra-centrés. Quand ils peuvent investir plus de 10 millions, ils sont environ 70 % à choisir une villa.
Quelle est la vente la plus spectaculaire réalisée cette année ?
C’est une maison sur la Riviera vaudoise achetée 30 millions de francs par des étrangers qui résident déjà en Suisse. Elle dispose d’un terrain de plus de 20 000 m2 et d’une surface habitable supérieure à 1000 m2.
Les représentations étrangères, celles de l’Iran et du Qatar en tête, ont pour habitude d’acquérir des biens d’exception dans le canton genevois.
Cette demande est-elle toujours vigoureuse ?
Elle est moins dynamique qu’il y a six ou sept ans. Cependant, la Suisse garde cette excellente image à l’international.
Quelles sont les raisons de se réjouir dans le domaine de l’immobilier de prestige ? Le Brexit ? L’élection de Donald Trump ?
Il est difficile de mesurer les conséquences du Brexit et de l’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump. Ma principale source de réjouissance concerne le rééquilibrage du marché immobilier, cela est vrai pour le luxe, mais aussi pour les autres catégories.
L’échec de la RIE III et le franc fort pèsent-ils dans vos activités ? Sont-ils les principales menaces ?
Saluons d’abord la formidable capacité de la Suisse à se repositionner quand il y a des incertitudes conjoncturelles ou structurelles. Cela a été le cas lors de la fin du secret bancaire. Le franc fort, nous nous y sommes habitués. En ce qui concerne la RIE III, il ne faudra évidemment pas attendre cinq ans avant de trouver une réforme acceptable de l’imposition des entreprises.
Certaines d’entre elles hésitent à partir, il faut donc agir car l’immobilier de prestige pourrait être directement impacté par une trop longue hésitation. J’identifie aussi une autre menace importante. Il s’agit de la politique fiscale agressive adoptée par certains pays européens. Citons notamment le Portugal où, depuis le 1er janvier 2013, les retraités européens souhaitant y louer ou acheter un bien immobilier sont exonérés d’impôts sur le revenu pendant une décennie. À condition d’y vivre plus de 183 jours par an.
Comment va évoluer le marché ces prochains mois ?
Je fais preuve d’un optimisme prudent. Le côté anxiogène de l’actualité mondiale permet de faire ressortir la qualité de vie exceptionnelle en Suisse. La demande est là, les prix sont cohérents et les taux hypothécaires très bas, nous disposons de nombreux atouts.
Entretien avec Grégory Marchand, Directeur des ventes, Barnes Suisse
Par Fabio Bonavita
Source : Market